Un concept bien bourguignon : les climats

Une belle vue de l’appellation Pouilly Fuissé

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« Un concept bien bourguignon : les climats »

 (lire aussi Le saviez « tout comprendre sur la bourgogne)

 

Comme le disait Bernard Pivot, grand amateur de Bourgogne : « En Bourgogne, quand on parle d’un Climat, on ne lève pas les yeux au ciel, on les baisse sur la terre ! »

En effet, au fil des siècles, les viticulteurs ont pris cette belle tradition de mettre en avant le nom des lieux-dits viticoles (les climats) davantage que le nom de leurs domaines viticoles.

Ainsi, les climats (« Chambertin », « Montrachet », « Rugiens ») sont devenus plus connue que les domaines viticoles qui en sont co-propriétaires.

La bourgogne se présente donc comme une grande mosaïque de près d’un milier de petites AOC (ou climats). Une fois passé le moment de solitude devant cette grande liste, on se rend compte que la Bourgogne a inventé une culture viticole singulière et fait germer la notion d’appellation d’origine. En voici les grandes étapes :

Le choix d’un cépage unique

Au moyen âge, la Bourgogne cultivait deux cépages (en rouge), le Pinot Noir et le Gamay. Mais Philippe le Hardi, Duc de Bourgogne, énonce un Edit en 1395 pour interdire totalement le Gamay qu’il juge « très-mauvaiz », « très-desloyaulx » et « d’une horrible amertume » (cf texte ci-dessous).

L’identification des climats

Cette règle du cépage unique, a incité les vignerons à mettre en valeur les nuances de terroirs à l’échelle de petits lieux-dit (climats) en fonction des différences de sols, et d’exposition (aux vents et au soleil). La superficie de ces climats varie de 1 à 20 hectares environ.

 

Ces climats ont été nommés il y a bien longtemps, avec un nom parfois classique « Perrières », « Les crais », « Les combottes », « La Corvée » ou plus étonnant : « Les pucelles », « Les amoureuses », « Dents de chien », « Les beaux bruns ».

 

La plupart de ces climats sont partagés entre plusieurs domaines viticoles. Un domaine viticole de taille moyenne couvre généralement 5 à 15 hectares de vigne répartis en de nombreuses petites parcelles de vignes localisées dans tel ou tel climat. Les viticulteurs pourraient choisir d’assembler ces vins en une seule grande cuvée (comme à Bordeaux) mais ils font souvent une cuvée spécifique par climat. Même les grandes maisons, pourtant doté de noms de marque porteurs, font de même.

Le classement des climats

Ces près de 1000 climats couvrent la Bourgogne, tout au long de ses coteaux. Ils ont été classés par l’INAO entre 1935 et la fin des années 60 en différents niveaux de qualité incontestés (valable

dans toute la région viticole bourguignonne).

En partant du plus « générique » et en allant vers le mieux placé :

tout d’abord l’appellation régionale: Elle porte le nom de la région de production sans précision particulière avec parfois le nom du cépage. Exemple: « Bourgogne Pinot Noir ».

puis l’appellation communale: Parfois sans précision du lieux-dit ce qui donne simplement « Gevrey Chambertin », parfois avec précision d’un lieu-dit comme par exemple « Gevrey Chambertin – Aux Etelois ».

 

l’appellation Premier Cru: Certains Premiers Crus sont très connus comme par exemple : « Meursault Premier Cru – Perrieres », Chassagne-Montrachet Premier Cru – Les Champ Gains », « Pommard Premier Cru – Rugiens ».

 

Et le top, couvrant seulement 3% de la surface viticole : l’appellation Grand Cru dont les plus connus sont :

  • « Romanée Conti Grand Cru » à Vosne Romanée (monopole d’un seul domaine viticole)
  • « Chambertin Grand Cru » à Gevrey Chambertin (partagé entre une dizaine de viticulteurs)
  •  » Les Musigny Grand Cru » à Chambolle Musigny, (partagé entre une dizaine de viticulteurs)
  • « Clos de Tart Grand Cru » à Moret Saint Denis (monopole d’un seul domaine viticole)
  • « Le Montrachet Grand Cru » à cheval entre les bourgs de Chassagne-Montrachet et de Puligny- Ce grand cru (blanc) est partagé entre une dizaine de viticulteurs.

Enfin, certains bourgs ont incorporé dans leur nom celui du Grand Cru le plus connu de leur appellation. C’est le village de « Gevrey » qui a eu l’idée en premier et a obtenu en 1847 le droit de s’appeler « Gevrey-Chambertin ». Les Bourguignons, pourtant peu enclin à introduire des effets de communication dans leur travail, ont su le faire avec parcimonie et efficacité.

 

Après les édits des Ducs de Bourgogne et la création des AOC, un autre grand pas vient d’être franchi avec l’inscription du concept des climats au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 2015.

Outre cette culture ancestrale, la Bourgogne se distingue également par la tenue des vignes (sols toujours labourés et non désherbés, pieds de vigne taillés très bas, etc) par l’équilibre digeste des vins (même en millésime très ensoleillé) et aussi par le sens terriens de ses vignerons resté intact en dépit de la forte valorisation de leur patrimoine foncier…

Guillaume Glantenay dans la parcelle Volnay 1er cru « Les brouillards »

Pour en savoir encore plus : l’Edit de Philippe le Hardi interdisant le Gamay au profit d’un cépage unique : le Pinot Noir

« un très-mauvaiz et très-desloyaulx plant nomméz Gaamez, duquel mauvaiz plan vient très-grant habondonce de vins… Et lequel vin de Gaamez est de tel nature qu’il est moult nuysible a creature humaine, mesmement que plusieurs, qui au temps passé en ont usé, en ont esté infestés de griesz maladies… car le dit vin qui est yssuz du dit plant, de sa dite nature, est plein de très-grant et horrible amertume… Pourquoi nous… vous mandons… sollemnellement à touz cilz qui ont les diz plans de vigne des diz Gaamez, que yceulx coppent ou fassent copper en quelque part qu’ilz soient en nostre dit pais dedens cing mois ».

Fort heureusement le Gamay a trouvé une terre propice à son épanouissement, plus au Sud, dans le Beaujolais.

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